En tant que parents, nous souhaitons que nos enfants sachent faire face aux difficultés de la vie, nous souhaitons les préparer au mieux aux déceptions, colères, frustrations…
Parce qu’on ne vit pas dans “le monde des bisounours”.
Pour qu'ils ne “tombent pas de haut”, lorsqu’ils verront que “tout le monde n’est pas gentil”.
Que “les choses ne se passent pas toujours comme on le veut”.
Cela part toujours d’une bonne intention évidemment.
A. APPRENDRE LA FRUSTRATION
Apprendre la frustration : dans quel but ?
On entend souvent que les enfants doivent apprendre la frustration : elle serait nécessaire, on “doit” leur dire "non" pour leur apprendre la frustration. Pour qu’ils comprennent qu’ils ne peuvent pas décider de tout, qu’ils ne peuvent pas “tout avoir”. On rentre donc dans une relation avec un rapport de force, pour qu’ils obéissent.
Il y a aussi l’idée de les frustrer pour les préparer à la dureté du monde réel.
Cela sous-entend par là-même que, nous pourrions les aider ou accéder à leur demande, mais que, pour leur apprendre la frustration, nous ne le faisons pas.
La vie présente déjà naturellement de nombreuses difficultés et frustrations, même à leur âge, sans que nous n'ayons besoin d'en rajouter :
- ils n'arrivent pas à atteindre le haut de l'étagère pour prendre les livres
- on ne veut pas leur acheter ces bonbons qui leur font tellement envie
- il leur est interdit de monter sur les tables, de sauter sur le canapé
- ils doivent rester calmes dans la salle d'attente du médecin
- ils se font reprendre pour tels faits et gestes
- ils ont perdu à tel jeu, alors qu’ils voulaient tant gagner
- le planning de leur journée n'est pas exactement celui qu'ils auraient aimé avoir
- etc.
Leur dire "non", ou leur rajouter volontairement des difficultés pour leur "apprendre" à être frustré ne leur permet pas d'apprendre à gérer ou accepter la frustration.
Cela les frustre tout simplement davantage. (Et cela complique nos journées...)
Cela leur permet surtout de voir que, plutôt que de leur apporter notre aide parce que c'est possible, plutôt que de leur faciliter les choses ou leur rendre les choses plus agréables (lorsque nous en avons la possibilité bien sûr), nous le leur refusons, nous leur mettons des bâtons dans les roues.
Exemple :
Votre enfant construit une tour avec des cubes, qui s’écroule. Il pleure de frustration.
Vous refusez de l’aider, pour lui apprendre qu’il n’aura pas toujours de l’aide, et qu’il doit apprendre la frustration, et à se débrouiller seul aussi.
Quelle leçon va t-il vraiment tirer du fait que vous ne vouliez pas apporter votre aide ? Va t-il apprendre la frustration et mieux la vivre ? Certes, il va ressentir de la frustration et certainement d'autres émotions désagréables.
Il va aussi surtout apprendre que, même si vous pouviez l'aider, vous ne l'avez pas fait.
Il ne s'agit pas de lui reconstruire sa tour. Mais plutôt d'écouter ses difficultés et l'accompagner. Valider ses difficultés dans la construction de cette tour. Lui donner des pistes peut-être, pour que la tour soit plus solide. Lui apprendre l’entraide en fait.
B. QUELLE VISION DE LA VIE TRANSMETTONS-NOUS ?
Apprendre la frustration à son enfant, le frustrer volontairement, c’est transmettre qu’en fait une certaine forme de violence est indispensable, même au sein de la famille.
Nous, parents, représentons ce port d'attache où l’enfant peut trouver tout le réconfort dont il a besoin, et nous n'avons pas besoin d'être à l'origine du fait que "la vie est dure".
C'est une vision, une croyance limitante qu'on leur transmet : "la vie est dure".
Voulons-nous vraiment que nos enfants perçoivent la vie à travers ce prisme ? La vie n’est pas tout rose évidemment, mais est-elle nécessairement dure ?
https://www.vivanaoreal.com/post/les-croyances-limitantes-qui-nous-bloquent-dans-notre-parentalite
La vie présente déjà ses limites naturellement. L'enfant est aussi confronté naturellement aux limites des autres, sans qu'on ait besoin d'en rajouter. Il va très vite comprendre qu'il ne peut pas faire tout ce qu'il veut, comme s'il vivait seul.
Arrive alors cette question : Quelle relation voulons-nous avec nos enfants ?
Voulons-nous qu'ils n'hésitent pas à nous appeler lorsqu'ils rencontrent des difficultés, à tout âge ? Ou souhaitons-nous vraiment qu'ils se débrouillent seuls, même s'ils n'ont pas encore les ressources pour y faire face ? Voulons-nous qu’ils finissent par se convaincre que nous ne les aiderons pas, alors qu’on pourrait le faire ?
Il ne s'agit pas de tout faire à leur place ou de leur éviter toute sensation désagréable ou tous les écueils : cela est impossible d'une part, et d'autre part, ne pas rajouter des frustrations ne signifie pas supprimer toutes celles qui se présentent, ni accéder à toutes leurs demandes.
Nous ne contrôlons pas tout, nous ne pouvons pas dire oui à tout et les frustrations font partie intégrante de la vie de tout individu.
Il s’agit d’être là pour leur donner une petite aide, les aider à trouver eux-même la solution, ou leur faciliter les choses, lorsque l’on peut, et comme on peut.
C. COMMENT LEUR APPRENDRE À "GÉRER" LA FRUSTRATION ?
Prépare t-on nos enfants au fait que la vie soit dure en leur infligeant des frustrations voire des souffrances pour qu'ils aient une idée de ce que cela peut être ?
On peut surtout les préparer à savoir traverser les moments difficiles, et leur donner confiance en eux pour qu'ils sachent qu'ils ont toutes les ressources pour se relever à chaque fois.
Les accompagner dans les émotions qu'ils ressentent.
Je vous invite à lire l'article ci-dessous sur l'accompagnement des émotions de nos enfants.
https://www.vivanaoreal.com/post/comment-garder-son-calme-face-a-un-enfant-agressif
C'est surtout de cela dont il s'agit. Leur apprendre à accueillir cette frustration, à y faire face, et donc accueillir les émotions qu'elle suscite : souvent la colère, la tristesse.
C'est donc leur apprendre à traverser ces émotions désagréables. Et non pas à les étouffer.
Il s'agira donc de verbaliser, et leur donner les outils pour extérioriser ces émotions de façon saine.
Il s'agira également de prendre en compte leurs capacités cognitives et d'être indulgent, car ils ne seront pas forcément capables, selon leurs âges (jusqu'à 6-7 ans minimum) de les exprimer correctement socialement.
On n'apprend pas la frustration aux enfants en les frustrant.
Cet exemple plus extrême semble plus évident :
Est-ce que, pour préparer nos enfants à l'éventualité qu'il reçoivent des coups, on doit les frapper pour leur faire comprendre que cela peut leur arriver et que tout le monde ne sera pas bienveillant avec eux ?
Est-ce que cela va les préparer à en recevoir de quelqu'un d'autre, un jour peut-être ? Non. Ils vont juste retenir que leurs propres parents les ont tapés, et que c’est acceptable qu’ils soient tapés, acceptable qu’on porte atteinte à leur intégrité physique.
Et ils ne seront pas plus prêts si cela arrivait un jour avec quelqu'un d'autre.
Et cela est valable pour la frustration, ou tout type de violence morale/psychologique.
Aviez-vous vu les choses sous cet angle ?
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